20 novembre 2024

Vivre avec une bactérie résistante

Vivre avec une bactérie résistante

Du 18 au 24 novembre, la Semaine mondiale de sensibilisation à l'antibiorésistance met en lumière cet enjeu crucial. Avec pour thème "Former. Sensibiliser. Agir maintenant." A défaut, nous risquons d’entrer dans une "ère post-antibiotique", où des infections apparemment sans gravité pourraient redevenir mortelles.

Du 18 au 24 novembre, la Semaine mondiale de sensibilisation à l'antibiorésistance met en lumière cet enjeu crucial. Avec pour thème "Former. Sensibiliser. Agir maintenant." A défaut, nous risquons d’entrer dans une "ère post-antibiotique", où des infections apparemment sans gravité pourraient redevenir mortelles.

Des bactéries qui ne réagissent plus aux antibiotiques… Difficilement imaginable pour beaucoup, ce cauchemar se profile pourtant à l’horizon. De plus en plus de personnes sont touchées par des infections difficiles, voire impossibles à traiter car les bactéries qui les causent sont devenues insensibles aux médicaments disponibles. 

Superbactéries

Myriam, une Bruxelloise de 62 ans, a appris il y a 5 ans qu'une bactérie résistante s’était logée dans ses poumons. "Je suis partie en vacances en Asie en mars 2019 avec une bronchite. Pas l'idéal pour un tel voyage, mais mon médecin m’a rassurée, me disant que j’irais bien mieux après quelques jours grâce à un traitement antibiotique."

Malheureusement, les choses ont empiré: "Je crachais de plus en plus de mucosités jaunes et vertes et je me sentais épuisée. Un matin, j’ai aussi craché du sang. Je me suis précipitée aux urgences à Hanoï." Après une prise en charge par un pneumologue français et une batterie de tests (dont un scanner et une bronchoscopie), le verdict est tombé: le Pseudomonas aeruginosa s’était installé profondément dans les poumons de Myriam. Une superbactérie contre laquelle les antibiotiques ne peuvent rien.

"J'étais évidemment en état de choc. J'ai cru que j'allais mourir. Et bien sûr, je me suis aussi demandé: pourquoi moi? Pour autant que je sache, j'ai pris tous les traitements antibiotiques qui m’avaient été prescrits jusqu'au dernier comprimé. Mais on donne aussi des antibiotiques aux bovins, et la consommation de certains aliments peut causer une antibiorésistance. D’ailleurs, de plus en plus de personnes sont concernées. C’est ce qui m’est aussi arrivé, je suppose. Quoi qu’il en soit, dans ma famille, nous avons une prédisposition à l’asthme. Donc, mes poumons sont mon point faible. Et puis, peut-être ai-je un système immunitaire moins costaud, parce que j’ai énormément travaillé toute ma vie… je ne sais pas. Le fait est que l’on ne peut pas se débarrasser de cette bactérie." 

Des mesures préventives 

Myriam essaie de relativiser l'impact de cette maladie sur sa vie. "Mon pneumologue ne m’a pas donné d’échéance, mais je peux vieillir avec cette bactérie si je continue à prendre des mesures préventives pour renforcer mon immunité et éviter les infections. Bien sûr, c'est ce que je fais. Les trois principaux piliers sont: une alimentation saine, un exercice physique adéquat et éviter l’alcool. En outre, je porte toujours un masque buccal lorsque je prends les transports en commun ou que je me rends dans des lieux très fréquentés. Depuis la COVID, les gens y sont habitués et ça passe mieux. Mais ce n’était pas le cas avant… Je ne prends plus l’avion, car c’est un vrai nid à bactéries." 

Impact

Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là. "J'ai essayé de continuer à travailler à temps plein, mais ça n'a pas marché. Je tousse énormément, c’est épuisant. Je fais face à la maladie tous les jours. Je dois m'efforcer de garder mes poumons aussi propres que possible, ce que je fais en crachant du mucus. J'ai une machine spéciale pour cela, qui dégage les poumons. Trois fois par semaine, je vais également chez le kiné, où l'on m'aide à évacuer le mucus qui s'accumule. Ce n'est pas ce qu'on appelle une partie de plaisir. C'est toujours une substance jaune et verte, preuve que les poumons restent infectés. Il y a aussi parfois du sang qui vient de petits vaisseaux qui éclatent, mais parfois aussi du fin fond de mes poumons, et là, il faut que j’y sois attentive." 

Ces dernières années, l’état de santé de Myriam était assez stable et nécessitait une seule hospitalisation annuelle, pour un traitement antibiotique intraveineux de 10 jours. « Cela permet d’éliminer toutes les autres bactéries (qui ne sont pas encore résistantes) et le mucus (que je ne peux pas cracher). Donc un traitement préventif pour éviter tout ce qui pourrait donner lieu à une infection. Une pneumonie mettrait ma vie en danger."  

Pour la deuxième fois en 2024, Myriam prépare sa valise pour se rendre à l'hôpital. "Cela va moins bien. Malheureusement, les bactéries ne sont pas sous contrôle et j'ai eu une année extrêmement stressante. Le stress n'est absolument pas un cadeau pour le système immunitaire. J'espère que l'an prochain, une seule cure sera suffisante."   

Thérapies alternatives 

Myriam a-t-elle déjà envisagé des thérapies alternatives? "Oui, bien sûr. Je n'ai rien à perdre. Et chaque petit geste peut aider. Ma pneumologue sait que je suis en première ligne pour les nouvelles méthodes de traitement. Je lui ai demandé à plusieurs reprises si la phagothérapie* pouvait être une option, mais elle n'y est pas favorable, ce traitement n'ayant pas encore été approuvé en Europe. J'ai également lu que le diable de Tasmanie (un marsupial qui vit sur l'île de Tasmanie, au sud de l'Australie) tuerait également les bactéries résistantes."

"Bien sûr, j'ai envie de croire tout ce qui peut m'aider à aller mieux (rires). Mais j'essaie surtout de vivre aussi bien et normalement que possible. Je travaille toujours à temps partiel et je prends bien soin de moi. Et je dis à tous ceux qui doivent prendre des antibiotiques: allez au bout du traitement! Il y a encore des gens qui ne le font pas parce qu'ils se sentent rapidement mieux, mais c'est ainsi que l'on crée des bactéries résistantes. J’en ai évidemment bien conscience aujourd’hui."

Plus d'infos sur la résistance aux antibiotiques?

Consultez le site web Parlonsantibiotiques.be


*Traitement médical dans lequel des bactériophages - virus capables d'infecter et de tuer les bactéries - sont utilisés pour lutter contre les infections bactériennes.  

Des bactéries qui ne réagissent plus aux antibiotiques… Difficilement imaginable pour beaucoup, ce cauchemar se profile pourtant à l’horizon. De plus en plus de personnes sont touchées par des infections difficiles, voire impossibles à traiter car les bactéries qui les causent sont devenues insensibles aux médicaments disponibles. 

Superbactéries

Myriam, une Bruxelloise de 62 ans, a appris il y a 5 ans qu'une bactérie résistante s’était logée dans ses poumons. "Je suis partie en vacances en Asie en mars 2019 avec une bronchite. Pas l'idéal pour un tel voyage, mais mon médecin m’a rassurée, me disant que j’irais bien mieux après quelques jours grâce à un traitement antibiotique."

Malheureusement, les choses ont empiré: "Je crachais de plus en plus de mucosités jaunes et vertes et je me sentais épuisée. Un matin, j’ai aussi craché du sang. Je me suis précipitée aux urgences à Hanoï." Après une prise en charge par un pneumologue français et une batterie de tests (dont un scanner et une bronchoscopie), le verdict est tombé: le Pseudomonas aeruginosa s’était installé profondément dans les poumons de Myriam. Une superbactérie contre laquelle les antibiotiques ne peuvent rien.

"J'étais évidemment en état de choc. J'ai cru que j'allais mourir. Et bien sûr, je me suis aussi demandé: pourquoi moi? Pour autant que je sache, j'ai pris tous les traitements antibiotiques qui m’avaient été prescrits jusqu'au dernier comprimé. Mais on donne aussi des antibiotiques aux bovins, et la consommation de certains aliments peut causer une antibiorésistance. D’ailleurs, de plus en plus de personnes sont concernées. C’est ce qui m’est aussi arrivé, je suppose. Quoi qu’il en soit, dans ma famille, nous avons une prédisposition à l’asthme. Donc, mes poumons sont mon point faible. Et puis, peut-être ai-je un système immunitaire moins costaud, parce que j’ai énormément travaillé toute ma vie… je ne sais pas. Le fait est que l’on ne peut pas se débarrasser de cette bactérie." 

Des mesures préventives 

Myriam essaie de relativiser l'impact de cette maladie sur sa vie. "Mon pneumologue ne m’a pas donné d’échéance, mais je peux vieillir avec cette bactérie si je continue à prendre des mesures préventives pour renforcer mon immunité et éviter les infections. Bien sûr, c'est ce que je fais. Les trois principaux piliers sont: une alimentation saine, un exercice physique adéquat et éviter l’alcool. En outre, je porte toujours un masque buccal lorsque je prends les transports en commun ou que je me rends dans des lieux très fréquentés. Depuis la COVID, les gens y sont habitués et ça passe mieux. Mais ce n’était pas le cas avant… Je ne prends plus l’avion, car c’est un vrai nid à bactéries." 

Impact

Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là. "J'ai essayé de continuer à travailler à temps plein, mais ça n'a pas marché. Je tousse énormément, c’est épuisant. Je fais face à la maladie tous les jours. Je dois m'efforcer de garder mes poumons aussi propres que possible, ce que je fais en crachant du mucus. J'ai une machine spéciale pour cela, qui dégage les poumons. Trois fois par semaine, je vais également chez le kiné, où l'on m'aide à évacuer le mucus qui s'accumule. Ce n'est pas ce qu'on appelle une partie de plaisir. C'est toujours une substance jaune et verte, preuve que les poumons restent infectés. Il y a aussi parfois du sang qui vient de petits vaisseaux qui éclatent, mais parfois aussi du fin fond de mes poumons, et là, il faut que j’y sois attentive." 

Ces dernières années, l’état de santé de Myriam était assez stable et nécessitait une seule hospitalisation annuelle, pour un traitement antibiotique intraveineux de 10 jours. « Cela permet d’éliminer toutes les autres bactéries (qui ne sont pas encore résistantes) et le mucus (que je ne peux pas cracher). Donc un traitement préventif pour éviter tout ce qui pourrait donner lieu à une infection. Une pneumonie mettrait ma vie en danger."  

Pour la deuxième fois en 2024, Myriam prépare sa valise pour se rendre à l'hôpital. "Cela va moins bien. Malheureusement, les bactéries ne sont pas sous contrôle et j'ai eu une année extrêmement stressante. Le stress n'est absolument pas un cadeau pour le système immunitaire. J'espère que l'an prochain, une seule cure sera suffisante."   

Thérapies alternatives 

Myriam a-t-elle déjà envisagé des thérapies alternatives? "Oui, bien sûr. Je n'ai rien à perdre. Et chaque petit geste peut aider. Ma pneumologue sait que je suis en première ligne pour les nouvelles méthodes de traitement. Je lui ai demandé à plusieurs reprises si la phagothérapie* pouvait être une option, mais elle n'y est pas favorable, ce traitement n'ayant pas encore été approuvé en Europe. J'ai également lu que le diable de Tasmanie (un marsupial qui vit sur l'île de Tasmanie, au sud de l'Australie) tuerait également les bactéries résistantes."

"Bien sûr, j'ai envie de croire tout ce qui peut m'aider à aller mieux (rires). Mais j'essaie surtout de vivre aussi bien et normalement que possible. Je travaille toujours à temps partiel et je prends bien soin de moi. Et je dis à tous ceux qui doivent prendre des antibiotiques: allez au bout du traitement! Il y a encore des gens qui ne le font pas parce qu'ils se sentent rapidement mieux, mais c'est ainsi que l'on crée des bactéries résistantes. J’en ai évidemment bien conscience aujourd’hui."

Plus d'infos sur la résistance aux antibiotiques?

Consultez le site web Parlonsantibiotiques.be


*Traitement médical dans lequel des bactériophages - virus capables d'infecter et de tuer les bactéries - sont utilisés pour lutter contre les infections bactériennes.  


Dernière mise à jour le  20/11/2024

© APB 2024 Editeur Responsable: Nicolas Echement

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